Jean-Jacques Rosat
« L’attaque directe et consciente contre l’honnêteté intellectuelle est le fait des intellectuels eux-mêmes ». George Orwell, Essais, Articles, Lettres (1946)
J’ai entendu plus d’une fois des amis de Jacques Bouveresse lui reprocher de gaspiller son temps et son talent quand il les emploie à débattre avec Rorty sur ce qu’on peut penser de l’intellectuel postmoderne ou quand il administre une volée de bois vert à Debray pour les sottises que celui-ci a écrites sur le théorème de Gödel. « Vous feriez mieux, lui disent-ils en substance, de vous consacrer exclusivement à des sujets moins frivoles comme la philosophie de la perception ou celle des mathématiques, où vos compétences trouvent vraiment à s’employer et où vos contributions sont attendues. » Ceux qui lui adressent ce reproche semblent penser que les formes dégradées (idéologiques, mondaines ou médiatiques) de philosophie qui prolifèrent dans le monde de la culture, et plus largement dans la société, sont sans relation avec la philosophie professionnelle, savante et rigoureuse qui se pratique dans les cercles plus étroits de la recherche et de l’université, et n’ont aucun effet sur elle.
Professeur au Collège de France, Jacques Bouveresse ne croit pourtant rien de tel.
Dans les années 1960-1970, il a vu nombre d’universitaires sacrifier à des motifs politiques les normes et les valeurs intellectuelles dont, par éducation et par fonction, ils auraient dû être les garants, et instaurer des formes de terrorisme politico-intellectuel qui rendaient à peu près impossible de lire certains auteurs ou de soulever certaines questions. Dans les années 1980-1990, il a vu les salles de rédaction devenir, en toute incompétence, des tribunaux jugeant sans appel de ce qui compte ou ne compte pas en philosophie ; un phénomène qui, précise-t-il, « n’aurait évidemment aucune importance si la mainmise du journalisme sur la philosophie ne devait pas fatalement avoir des répercussions plus ou moins sérieuses sur la nature de la production philosophique elle-même[1] 1 » et entraîner un affaiblissement progressif de l’autonomie du mondeuniversitaire par rapport aux médias. C’est dire que, pour lui, le débat avec Rorty ou la mise en pièces des affirmations de Debray ne sont pas des affaires frivoles ni ne relèvent de mouvements d’humeur ; ce sont les épisodes d’un combat de longue haleine, qu’il mène avec constance et détermination. Sa conviction est que, comme toute entreprise de connaissance et de recherche de la vérité, la philosophie présuppose la reconnaissance d’un ensemble de normes et de valeurs cognitives ou épistémiques – celles qui gouvernent le rapport de nos discours à la connaissance et au vrai –, et qu’il est de la responsabilité de ceux qui se disent philosophes de se battre pour que ces normes et ces valeurs soient effectivement respectées.
Nous commettons une faute morale quand nous manquons à nos devoirs envers les autres ou envers nous-mêmes. Nous commettons une faute épistémique quand, dans une activité tournée vers la connaissance, nous manquons à nos devoirs envers la vérité. Cette idée n’est pas très en vogue. La mode est plutôt à ce que Bouveresse nomme le « cynisme épistémique », lequel considère « que ce n’est pas seulement en matière de morale mais également en matière de connaissance et de croyance que tout est permis et que tout est bon » ; et qui déclare « que chercher la vérité n’est pas en soi une entreprise plus digne d’intérêt et plus respectable que chercher n’importe quoi d’autre, et notamment le prestige, la célébrité, le succès, l’influence ou même tout simplement l’argent[2] ». Mais Bouveresse ne pense pas qu’une activité cognitive comme la philosophie présenterait encore le moindre intérêt intellectuel si le cynisme épistémique devait y triompher, ni même qu’elle puisse alors continuer bien longtemps.
Bien qu’il s’en commette quotidiennement, les fautes cognitives élémentaires sont connues de tout un chacun : par exemple, affirmer simultanément deux idées contradictoires entre elles, ne nourrir sa pensée que d’une seule catégorie d’exemples (ce que Wittgenstein appelle la « diététique unilatérale » des philosophes[3]), traiter de sujets sur lesquels on n’a pas fait l’effort de se rendre compétent, etc. Mais il existe aussi ce qu’il faut bien appeler des vices épistémiques : des fautes devenues habitudes et qui se parent le plus souvent des dehors de la vertu. C’est le cas par exemple du « nationalisme philosophique », qui non seulement se dissimule mal derrière les éloges de l’exception française en philosophie mais imprègne au bout du compte toute notre vie philosophique, du concours d’agrégation à ce que les Américains ont baptisé « French Theory[4] 4 ». Bouveresse n’a aucune sorte de respect pour ce nationalisme qui n’a de philosophique que le nom : « Il n’est dans la plupart des cas, comme toutes les formes de nationalisme vulgaire, que l’expression du mépris, de l’ignorance et du préjugé à l’état pur[5]. »
Bouveresse est un moraliste. On peut se faire le moraliste de la cour ou de la ville, de la société de son temps ou même du genre humain tout entier. Bouveresse est un moraliste du monde philosophique, de ses discours et de ses mœurs.
C’est à sa veine moraliste que les huit essais ici rassemblés appartiennent tous, peu ou prou[6]. Ils ont été écrits entre 1978 et 2000, en réaction aux diverses transformations qu’a connues la philosophie française durant cette période, à certains épisodes plus ou moins retentissants qu’elle a traversés, et à certains livres qui ont fait événement. Mais, quelles que soient les circonstances particulières de leur rédaction, ces essais poursuivent tous une même et unique interrogation : comment s’orienter dans la situation philosophique présente ? comment peut-on espérer y trouver son chemin ?
Cette question n’est pas principalement théorique. Elle n’est pas de savoir s’il existe un courant de pensée, un système ou un auteur qui serait la bonne voie et qu’il nous faudrait suivre. Bouveresse n’a jamais cru qu’il n’existe en philosophie qu’une seule méthode qui soit féconde. Il admire également la manière systématique d’un Leibniz et la manière aphoristique d’un Wittgenstein. Il a lui-même toujours pratiqué la philosophie, simultanément, selon deux styles opposés qui sont généralement tenus pour incompatibles : comme une activité théorique, apparentée aux sciences, et comme « un travail ou un exercice […] que chacun doit réeffectuer pour soi-même [et] qui porte sur la façon dont on voit les choses et ce qu’on exige d’elles[7] ». Il ne s’est jamais posé en chef d’école et, s’il a plaidé avec vigueur pour la reconnaissance en France de la tradition analytique et d’auteurs comme Carnap ou Wittgenstein, c’est parce qu’il s’indignait de les voir rejetés du canon officiel et absents de la formation des étudiants. Mais il ne s’est jamais écrié « Tous derrière Russell ! » ou « Tous avec Wittgenstein ! » comme d’autres ont lancé « Déconstruction ! » ou « Retour à Kant ! »
Qui cherche son chemin doit d’abord décider où il veut se rendre et, plus encore, où il ne veut aller en aucun cas. « S’orienter en philosophie » n’est pas tant une affaire d’entendement que de volonté. Il est fréquent que les philosophes tentent ici de s’exempter de toute responsabilité en faisant comme si les mots et les idées choisissaient à leur place. Il y a ceux qui prétendent que leur discours leur est dicté par une sorte d’enchaînement nécessaire des concepts – un peu comme l’artiste, selon la conception romantique, se voit dicter ses vers ou sa mélodie par une sorte de nécessité intérieure : le Logos (ou la Dialectique ou l’Être ou l’Histoire, ou la Déconstruction, ou ce qu’on voudra) est censé se penser en eux. Mais, rappelle Bouveresse, « les concepts ne font rien par eux-mêmes ; ils sont essentiellement des instruments dont nous nous servons et c’est toujours nous qui faisons des choses avec les concepts[8] ». Il y a également des philosophes pour mettre tout leur espoir dans la découverte de la bonne doctrine, qui déciderait en quelque sorte des questions à leur place. Mais « rêver de disposer un jour des “bons” » concepts – de concepts bons par eux-mêmes, en ce sens qu’ils ne se prêteraient plus à aucune des utilisations contestables que l’on peut craindre – est une illusion que l’on peut caractériser comme une forme de fétichisme conceptuel[9] ».
Plus généralement, la condition préliminaire pour bien s’orienter en philosophie est de refuser de souscrire à tout un ensemble de prétentions exorbitantes, et souvent même ridicules, qu’arborent les philosophes. Celles-ci ne sont pas propres aux seuls philosophes français contemporains, mais le moins que l’on puisse dire est que ces derniers, qu’ils soient d’avant-garde ou d’académie, n’en ont pas été avares.
Dans le premier texte qu’il a écrit, en 1978, sur l’état de la philosophie française contemporaine, Bouveresse demande ironiquement : « Pourquoi pas des philosophes ? » D’habitude, c’est plutôt la question « Pourquoi des philosophes ? » que ceux-ci s’adressent à eux-mêmes dans les pages des magazines, ou qu’ils se complaisent à poser aux candidats du baccalauréat. On connaît d’avance la réponse, aussi convenue qu’un plan de dissertation : certes, la philosophie est une activité aussi indéfinissable qu’inutile, mais c’est précisément pourquoi elle est essentielle, voire subversive, et les philosophes des gens indispensables. Demander « Pourquoi pas des philosophes ? », c’est récuser d’emblée le statut d’exception que, selon Bouveresse, les philosophes en France ont obtenu pour leur discipline. Pour son plus grand malheur, pense-t-il, car celui qui s’estime exempté des règles élémentaires de la logique et affranchi de celles de la morale intellectuelle a peu de chance de jamais penser rigoureusement.
Cette revendication d’extraterritorialité repose sur trois piliers. Le premier est la croyance, largement répandue en France, que la philosophie est en quelque sorte immunisée contre l’erreur. « À la différence des philosophes analytiques, note Bouveresse, les philosophes continentaux ne croient généralement pas qu’il puisse exister en philosophie quelque chose comme une erreur (ou, a fortiori, un non-sens)[10]. » On doit constater qu’un étrange consensus s’est établi sur ce point entre l’académie et les avant-gardes. L’idée vient tout droit de l’éclectisme de Victor Cousin, qui a jeté les bases de la philosophie scolaire et universitaire en France : certes, tous les systèmes philosophiques diffèrent (ou s’opposent même) dans leurs affirmations ; mais, si l’on fait l’effort de dégager l’essentiel de l’inessentiel, on s’apercevra que chacun d’eux échappe à son temps et contient une part de la philosophie éternelle (la philosophia perennis) ; à cet égard, ils convergent tous ; aucun système n’est vrai et tous le sont ; ou plutôt : c’est la philosophie qui est vraie[11]. Cette conception se laisse aisément retraduire dans l’idiome historiciste du philosophe postmoderne : le philosophe est un créateur de concepts et toute philosophie nouvelle équivaut à l’invention d’un nouveau langage ; il n’y a aucun sens à prétendre qu’un de ces langages est plus vrai qu’un autre ; et chacun d’eux est vrai dans la mesure où il a été celui d’une époque, ou du moment que des hommes s’en servent pour dire leur vie et pour agir. Peu importe, diront les mauvais esprits, que l’on opte pour l’une ou l’autre de ces deux versions, car c’est la fonction de cette idée qui compte avant tout : chaque professeur peut enseigner son auteur favori ou son petit morceau d’histoire de la philosophie sans faire d’ombre à son voisin puisque chacun a raison. Mais le prix à payer est très lourd : devenir philosophe en France, c’est apprendre à manier les idées philosophiques en omettant de se demander si elles sont vraies ou fausses, c’est se rendre insensible au vrai et au faux. Or, comme l’écrivent judicieusement Engel et Mulligan, cette insensibilité au vrai comme valeur est un vice épistémique et il porte un nom : la bêtise. « La bêtise n’est pas un défaut intellectuel mais un défaut de la sensibilité. Il y a des gens très intelligents, mais qui sont insensibles aux normes cognitives, comme ces intellectuels français dont Sokal et Bricmont ont dressé le florilège des sottises[12]. » Comme le dit une maxime bouveressienne, « il faut une longue pratique du métier philosophique pour accéder à certaines formes de bêtise qui ne sont effectivement pas à la portée du premier venu[13] ».
Le deuxième pilier de l’exception philosophique est l’idée que « le fondement d’une époque est constitué par sa métaphysique et qu’une époque vaut, en dernière analyse, ce que vaut sa métaphysique[14] 14 ». Elle s’est répandue bien au-delà des disciples de Hegel et de Heidegger, et a fini par structurer largement la représentation que l’on se fait en France de l’histoire de la philosophie, aussi bien chez les tenants de la métaphysique que parmi ceux qui œuvrent à sa subversion radicale. Comme Rorty, Bouveresse trouve cette idée « extrêmement peu convaincante » et, ajoute-t-il, « pour tout dire, assez ridicule[15] ». C’est, pourrait-on dire, la marque d’une sorte de mégalomanie qui consiste à croire que ses propres sujets de préoccupation (ou ceux de sa profession) sont au cœur de l’histoire humaine.
Le troisième pilier est la conviction que la philosophie, discipline critique par excellence, est nécessairement au principe de toute véritable lucidité, notamment en matière politique. Elle perdure de façon étonnante, malgré les innombrables et impitoyables démentis que lui a infligés l’histoire intellectuelle et politique du XXe siècle. Il reste rare de lire des interpellations aussi franches que celle que Bouveresse adresse aux philosophes de sa génération, « repentis » des diverses formes de léninisme, et du maoïsme en particulier : « À quoi sert d’être un professionnel de la pensée politique si c’était pour ne pas voir des choses qui ont sauté dès le début aux yeux de tant de gens qui n’avaient pas la chance d’être payés pour réfléchir[16] ? » Il note pour sa part sobrement que « la formation philosophique, au sens où on l’entend habituellement, n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante de la lucidité politique[17] »
Cette prétention des philosophes à l’exception s’exprime dans un discours d’autocélébration drapé dans une rhétorique du sublime et de la dramatisation mise au service d’une posture sociale avantageuse et d’une image de soi retravaillée en permanence. Bouveresse a baptisé cette manière d’écrire et d’être « le style héroïque ». Cette « affectation d’héroïsme » serait simplement risible si elle n’était devenue chez nous la marque de l’authenticité philosophique et si ceux qui refusent de l’adopter ne se voyaient systématiquement refuser la qualité de « vrais philosophes ». Une telle situation a des conséquences jusque sur la formation (ou plutôt la non-formation) de centaines de milliers de lycéens : dans les débats qui ont agité pendant des années les professeurs de philosophie de l’enseignement secondaire sur la rédaction des programmes de terminale, ceux qui défendaient une conception modeste et anti-héroïque (limitation à quelques problèmes fondamentaux, définition de connaissances minimales, apprentissage méthodique de l’argumentation, etc.) ont été accusés de trahir la philosophie ; et on en est revenu à une liste invertébrée de notions qui, certes, autorise le maître à « penser » sans risque devant les élèves, mais qui livre ceux-ci à l’ignorance, à la rhétorique et à l’arbitraire, en maintenant l’enseignement de la philosophie au lycée dans un élitisme qui le rend inutile au plus grand nombre[18].
Ainsi tout se passe comme si c’était la croyance en la philosophie qui faisait le philosophe. Mais, remarquera le moraliste, la dévotion pour la philosophie et le respect de ses normes épistémiques varient le plus souvent en raison inverse l’une de l’autre.
S’il arrive qu’elle se paie de quelques désagréments sur le plan personnel, la distance ironique à l’égard des discours d’autopromotion de la philosophie procure sur le plan intellectuel des avantages considérables. Elle permet notamment de porter sur les quarante dernières années de la philosophie française un regard sans complaisance et de ne souscrire ni à l’un ni à l’autre des deux récits, certes contradictoires mais également édifiants, qui nous sont offerts aujourd’hui en guise d’histoire de cette période.
Selon un premier récit – celui qu’on peut lire par exemple dans La Pensée 68 de Ferry et Renaut[19] 19 –, la scène philosophique française a été occupée pendant deux décennies par la pensée anti-humaniste et anti-démocratique des sixties (Foucault, Derrida, Bourdieu, Lacan et quelques autres) ; adossée à la critique heideggerienne de l’humanisme et aux maîtres du soupçon (Marx, Nietzsche et Freud), elle prophétisait « la mort du sujet » au nom du primat de la structure ; heureusement, au début des années 1980, il est devenu clair que cette pensée ne correspondait pas aux exigences de la société démocratique moderne et elle est apparue « profondément désuète » ; chacun a pu « redécouvrir les vertus de la “subjectivité” » et un « consensus [a été] retrouvé autour de la morale des droits de l’homme et de la revendication croissante […] d’une autonomie de l’individu[20] » 20. Selon cette interprétation, donc, si la pensée de Mai 68 a fait faillite dix ans plus tard, c’est parce qu’elle ne répondait plus du tout aux besoins réels d’une société entrée dans l’âge de l’individualisme démocratique.
Dans le second récit – celui par exemple qu’a donné récemment François Cusset dans French Theory –, on nous présente au contraire la « théorie française », illustrée par « Foucault, Derrida, Deleuze et Cie », comme un mouvement intellectuel riche, divers et florissant, stoppé en plein essor par une sorte de coup de force perpétré par les tenants de l’ordre idéologique et social : l’auteur parle d’une « interruption brutale de la croissance » et de « la coupe des bourgeons[21] ». L’offensive, raconte-t-il, est lancée entre1976 et 1978 par un groupe de jeunes intellectuels – Lévy, Glucksman et quelques autres, soutenus par les éditions Grasset et puissamment relayés par Le Nouvel Observateur – qui « s’autoproclament “les nouveaux philosophes”. […] Ils enregistrent des succès de librairie spectaculaires avec des essais de circonstance qui dénoncent la pensée révolutionnaire et replacent les droits de l’homme au centre du “débat”. L’opération s’apparente à une mise au pas du champ intellectuel[22] ». La révolte, la théorie et le désir deviennent totalitaires. Deleuze et quelques autres ont beau s’indigner de l’usage de « gros concepts, aussi gros que des dents creuses[23]», rien n’y fait. Puis, dans la brèche ainsi ouverte s’engouffrent les défenseurs d’une « république du centre » (Gauchet, Rosanvallon, Furet, les revues Le Débat et Esprit, etc.), qui exhument la tradition libérale du XIXe siècle (Constant, Tocqueville) en annonçant que la Révolution française est enfin terminée. Enfin, en 1985, Ferry et Renaut n’ont plus qu’à donner le coup de grâce avec leur pamphletmanifeste, La Pensée 68. Désormais, explique Cusset, l’ordre, le conformisme, le moralisme et les diverses variantes rénovées du spiritualisme à la française vont régner sans partage. Mais, explique-t-il, « la théorie française » est tout sauf désuète : il y a trente ans, elle décrivait « déjà précisément ce qui compose ce présent-ci et ses peurs inédites – le pouvoir de vie, les tribus sans sujet, la terreur sans visage, le réseau impérial et ses machinations, le sabre réactionnaire et le goupillon identitaire, mais aussi la microrésistance et ses interstices hors écran ». On nous invite donc à « réapprendre à écouter ces fulgurances d’il y a trois décennies, étiquetées par l’histoire des idées, désamorcées par la pensée dominante ou sagement muséifiées depuis comme l’ultime avant-garde d’un monde révolu[24] ».
D’un récit à l’autre, comme on le voit, le découpage chronologique du scénario reste le même, mais les bons de l’un sont devenus les méchants de l’autre, et l’intrigue a changé : ce n’est plus l’histoire des honnêtes citoyens d’une petite ville qui finissent par se révolter contre le gang qui les terrorisait mais celle d’une communauté utopique d’artistes et de marginaux expulsés de leur immeuble par une bande de nervis au profit d’un club de notables bien-pensants.
Bouveresse ne se reconnaît dans aucun de ces récits, également manichéens à ses yeux. Dans cette histoire, il n’a aimé aucun des deux épisodes successifs et se refuse à privilégier l’un par rapport à l’autre : s’il a exécré le terrorisme politico-intellectuel de l’époque structuraliste, il déteste tout autant l’éclectisme mou et les grandes proclamations moralisatrices en vigueur depuis le début des années 1980; et s’il juge l’atmosphère d’aujourd’hui beaucoup plus respirable, il lui arrive, devant le conformisme ambiant, de regretter l’effervescence des années 1960. Mais il estime surtout qu’il y a eu, d’un épisode à l’autre, beaucoup plus de continuité véritable que ne veulent bien l’admettre les auteurs de ces deux récits : les idées sans doute ont changé, mais ni les mœurs, ni les acteurs, ni les dispositifs de pouvoir.
Les moeurs. On nous a d’abord assené que « tout est politique » et celui qui ne l’admettait pas était un fieffé réactionnaire ; puis on nous a assené qu’il n’y a pas de morale sans transcendance et celui qui ne l’admettait pas était complice du totalitarisme. « La seule chose qui ne change pas, écrit Bouveresse, est le dogmatisme et l’absence totale de nuances[25]. » Le renversement des idées s’est fait sans discussion sur le fond et sans bilan critique de la période précédente. Une mode a chassé l’autre, sans reste. Comment peut-on espérer progresser, demande Bouveresse, si les idées de la phase précédente, celles qui étaient novatrices aussi bien que celles qui étaient totalement délirantes, sont également discréditées au seul motif qu’elles seraient désormais « désuètes » ? Dans un camp comme dans l’autre, les épithètes « archaïque » ou « rétro » accolées à certaines conceptions ont souvent été les seules « raisons » qu’on nous a fournies pour les abandonner.
Les acteurs. Ce sont souvent les mêmes qui ont tenu le haut du pavé durant les deux époques, au prix de revirements et de reniements souvent spectaculaires. Leurs auto-critiques constituent aux yeux de Bouveresse le comble de la malhonnêteté intellectuelle : « L’auto-critique est évidemment aussi une auto-justification […] : je me suis constamment trompé mais j’ai toujours eu d’excellentes raisons et donc finalement raison. […] Y a-t-il une forme de dogmatisme pire que celle qui consiste à revendiquer le monopole du droit à l’erreur (les autres ne pouvant commettre d’erreurs puisqu’ils ont toujours été dans l’erreur, même quand ils avaient raison)[26] ? »
Les dispositifs de pouvoir. L’épisode, aujourd’hui à demi oublié, des « nouveaux philosophes » est à cet égard exemplaire. Philosophiquement, la nouveauté était plutôt mince. Pour l’essentiel, il s’agissait de nous persuader de l’impossibilité de défendre jusqu’au bout le respect de l’humanité et des droits de l’homme sans fonder ceux-ci en dernière instance sur la Loi donnée par le Dieu du monothéisme. Voilà qui n’était ni bien nouveau ni vraiment consistant. Vingt-cinq ans après, qui se souvient du Testament de Dieu[27] ? Mais c’est le ton qui en imposa. Comme l’a écrit Louis Pinto, « la nouveauté des nouveaux philosophes consiste à avoir tenté d’importer dans le discours philosophique un style pathétique journalistique relativement inédit, caractérisé par la dramatisation de l’histoire et du rôle de l’intellectuel “lucide”, par la culpabilisation virtuelle de tout intellectuel […], par l’évocation d’expériences singulières érigées en expériences exemplaires (“notre génération”). Ce n’est plus seulement la conception léniniste de la dictature du prolétariat qui est remise en cause, c’est l’idée même d’une critique de l’ordre social, inhérente aux philosophies contestataires d’après-68[28] ». Autrement dit, ce qui fait l’importance réelle de cet épisode, c’est qu’il a été un pas considérable dans l’intrusion du pouvoir journalistique à l’intérieur du champ philosophique et dans la substitution de la figure de l’intellectuel médiatique, fonctionnellement consensuel et révérant, à celle de l’intellectuel critique. Trente ans plus tard, le système de rapports qui s’est institué à cette époque entre les intellectuels et le journalisme est toujours en place, et Lévy tient toujours le haut des médias. Mais on ne saurait en rester là : les organes de presse (Le Monde, Le Nouvel Observateur) qui furent à la pointe de l’opération « nouveaux philosophes » sont ceux-là même qui avaient déjà, dans la phase précédente, soutenu les avant-gardes dans leur combat contre la « vieille université » et n’avaient pas manqué de présenter chacune de leurs productions comme l’aube d’une nouvelle ère de la pensée. Les défenseurs des avant-gardes, fait observer Bouveresse, ont mauvaise grâce de se plaindre de la victoire des « nouveaux philosophes » : en tant que produits médiatiques, ils sont simplement tombés sur des concurrents plus cyniques et plus faciles à vendre qu’eux.
Pour s’orienter dans la pensée, mieux vaut donc considérer comme Musil que « c’est toujours la même histoire ».
Mieux vaut également ne pas se fier à l’un de ces diagnostics politico-métaphysiques qu’affectionnent les philosophes, et par lesquels ils prétendent nous dévoiler le sens et la vérité de notre époque. Bouveresse tient ce genre de prophétie sur le présent pour une mauvaise rhétorique, dont toute la séduction consiste à faire se télescoper dans une même phrase les termes métaphysiques les plus abstraits avec les références à l’actualité la plus récente (sans beaucoup s’embarrasser de ce qu’il faudrait apprendre de sciences historiques et humaines pour effectuer les médiations), et à déceler les symptômes d’un changement d’époque dans certains événements planétaires comme dans les soubresauts de la vie intellectuelle parisienne. De tels discours vivent de l’illusion que le philosophe pourrait disposer dès aujourd’hui, par la seule vertu de ses concepts, d’une compréhension de son époque au moins égale à celle que les historiens de l’avenir ne gagneront que grâce au recul historique et au prix d’une laborieuse recherche empirique.
Derrière cette croyance, il y a l’« historicisme du présent », l’idée que ce qui existe aujourd’hui a de la valeur aujourd’hui du seul fait d’être la réalité d’aujourd’hui ; cela n’existera sans doute plus demain et perdra du même coup toute valeur ; mais il n’y a pas d’autre valeur que la valeur d’aujourd’hui. C’est cette idée qui scelle l’alliance de la philosophie avec le journalisme. Le philosophe se voit garantir la valeur de chacune de ses nouvelles productions pourvu qu’elle affiche assez de nouveauté : elle vaut parce qu’elle est d’aujourd’hui. Et le journaliste devient le juge des valeurs philosophiques puisqu’il est censé savoir, par profession, ce qui se passe aujourd’hui – ou, plus exactement, parce qu’il a le pouvoir de décider de ce qui fait événement. L’idée de juger un ouvrage sur sa valeur intrinsèque, et de se demander si ce qu’il dit est vrai, est devenue incongrue.
Pour briser cette dictature du présent et nous forcer à nous interroger sur ce que valent des idées indépendamment de leur supposée nouveauté, Bouveresse a souvent eu recours à des auteurs intempestifs, des penseurs démodés, voire oubliés, mais dont la lecture fait soudain perdre son vernis de modernité à ce qui se présente comme le dernier cri. Si on lit Spengler, par exemple, ainsi qu’il nous y invite, des idées foucaldiennes comme celles de la mort de l’homme ou de la succession des épistèmès prennent soudain un coup de vieux et on leur découvre un passé franchement irrationaliste et anti-démocratique qui les rend moins immédiatement sympathiques[29].
« L’historicisme du présent » est au bout du compte une attitude de démission car il conduit inexorablement soit à la célébration des idées dominantes et au conformisme soit à une forme cynique de « réalisme », que Bouveresse exècre particulièrement et qui, absolvant au nom de l’époque toutes les injustices intellectuelles qui s’y commettent, donne tort à celui qui a le mauvais goût de s’insurger contre elles.
Mais c’est surtout un discours de pouvoir : prétendre savoir ce qui est pensable aujourd’hui, c’est du même geste exclure toute autre pensée possible. Affirmer qu’on détient la philosophie dont l’époque a besoin, c’est rejeter tous les autres discours, non au motif qu’ils seraient faux ou négligeraient des idées importantes mais parce qu’on a décidé arbitrairement de les disqualifier. On connaît le poids de ces diktats que ne vient étayer aucun argument et qui fonctionnent sur le modèle de la prophétie auto-réalisatrice : « Nous savons désormais que… » ou, « grâce à X, il est devenu impossible de dire que… » Une fois encore, ce qui importe ici est moins de savoir quelle pensée au juste est visée (elle varie selon les modes) que l’arrogance intellectuelle et la méthode d’intimidation qui, elles, sont inchangées.
On l’aura compris, Bouveresse n’engage pas une critique idéologique (de type marxiste par exemple) visant à montrer comment des contenus philosophiques déterminés convergent avec les conceptions et les intérêts de certaines forces sociales et politiques, accusant les philosophes d’être « au service » de telle classe ou de tel État. C’est le pouvoir des intellectuels en tant que tel qu’il critique, celui qu’ils exercent eux-mêmes et pour leur propre compte avec les armes de la philosophie. De même qu’elle n’est pas immunisée contre les erreurs et la bêtise, la philosophie n’est pas immunisée non plus contre son utilisation pour dominer les esprits, et même, à bien des égards, elle s’y prête. Certes, à s’en tenir à ce que les philosophes disent d’eux-mêmes, ils sont, par profession ou par essence, des esprits libres, pourfendeurs de préjugés et d’opinions toutes faites. Mais si l’on en juge par ce qu’ils font, comme un moraliste doit le faire, on doit bien constater avec Bouveresse qu’« un des avantages majeurs de la philosophie est justement de disposer, plus que n’importe quelle autre discipline, de techniques éprouvées pour transformer les lieux communs et les idées reçues en révélations[30] 30 ». Si les lieux communs sont les chemins que parcourt le plus facilement la pensée et ceux selon lesquels s’orientent le plus spontanément les volontés individuelles et collectives, le contrôle des lieux communs n’est rien de moins que le contrôle sur les esprits.
Ici, c’est à chacun de décider l’usage qu’il veut faire des pouvoirs de la philosophie. Comme le rappelle opportunément Bouveresse, « ce sont les philosophes qui collaborent ou résistent à l’oppression, et non la philosophie[31]».
On reproche couramment à l’attitude du moraliste d’être « répressive ». On la déclare, au choix, « moralisatrice », « policière » ou « castratrice ». Elle serait attentatoire à la liberté et stériliserait la créativité, lesquelles seraient synonymes de transgression et d’anomie. À ce genre d’accusations, Bouveresse répond qu’il n’a jamais pu comprendre en quoi, dans la philosophie et dans les sciences, le respect de la logique et des normes du vrai pouvait bien contrarier l’imagination créatrice. On pourrait assez justement lui appliquer ce qu’il dit lui-même de Wittgenstein : « Il adopte explicitement un point de vue normatif et par moments très proche du rationalisme classique, et il se réserve manifestement le droit de considérer comme régressives et anormales, en un sens négatif, […] certaines productions de la culture contemporaine qui bénéficient pourtant du prestige de l’anormalité révolutionnaire[32]. »
Une autre critique, un peu plus sérieuse, attire l’attention sur le risque qu’il y aurait à fixer les normes cognitives en fonction d’une philosophie déterminée, de telle sorte que toutes les autres en seraient disqualifiées. L’exigence morale en philosophie, si légitime soit-elle, deviendrait facilement le masque d’une volonté de pouvoir. C’est, entre autres raisons, pour parer à ce risque de dogmatisme que Bouveresse a fait le choix, quand il écrit sur ces matières, d’un genre particulier : la satire. Il la caractérise lui-même par la « volonté de régler au moins leur compte à des choses qui ne paraissent ni crédibles ni respectables, sans se croire obligé de les remplacer par autre chose[33] ». La satire, en effet, n’est pas l’illustration ou l’application d’une doctrine. Certes, comme le font observer Engel et Mulligan, elle « présuppose la connaissance de certaines valeurs que le satiriste considère comme violées et dont il décrit la violation par ce moyen[34] ». Mais cette connaissance ne prend jamais la forme d’une théorie. La satire redécrit les actions humaines non comme des transgressions de tables de la loi – cela susciterait notre colère – mais comme des conduites ridicules : quelque chose cloche, boite ; les actes ne sont pas en rapport avec les valeurs proclamées ; ils ont quelque chose d’inadéquat, d’inconvenant, d’indécent ; et cela suscite notre rire. La satire n’en appelle pas à une liste de principes moraux posés a priori mais à ce qu’Orwell nomme la common decency, « l’honnêteté commune », ce sens qui nous est commun à propos de ce que chacun se doit de faire, et surtout de ne pas faire, dans une situation donnée ; et comme ce sens est partagé, notre rire l’est aussi. La connaissance morale que transmet la satire n’est pas un savoir qui lui prééxisterait ; c’est la redescription satirique des conduites humaines qui engendre cette connaissance : la satire la produit en même temps qu’elle la transmet. Parce que ces conduites sont les nôtres – ce sont celles de nos semblables ; nous les avons déjà eues ou pourrions les avoir –, cette connaissance ne nous est pas extérieure : c’est une connaissance pratique et la satire la produit en nous. C’est par ses descriptions et par notre rire que la satire nous enseigne ; elle réveille et affine notre sens moral ; elle nous apprend à ressentir comme inacceptable ce à quoi nous sommes tellement accoutumés que cela ne nous a jamais choqué ou ne nous choque même plus. Elle est une éducation morale non dogmatique.
Quels effets le moraliste peut-il attendre de ses critiques ? Quelles améliorations le satiriste peut-il espérer produire dans la vie intellectuelle et philosophique ? Bouveresse affiche régulièrement à ce sujet le plus franc pessimisme, et il a toujours eu conscience du caractère un peu donquichottesque de son attitude. Sa position officielle est que la situation est à peu près sans espoir et qu’il s’agit au mieux de préserver sa propre intégrité. Pourtant, on peut penser qu’il ne consacrerait pas autant de temps et d’énergie à ces questions, et qu’il se serait retiré depuis longtemps dans sa tour d’ivoire (comme bien d’autres l’ont fait avant lui), s’il ne savait pas d’expérience, et parce qu’ils le lui ont dit, que ses interventions en ont aidé plus d’une et plus d’un à y voir un peu plus clair et à mieux s’y reconnaître en philosophie.
Jean-Jacques Rosat
Paris, juin 2004
[1]« Pourquoi pas des philosophes ? », infra, p. 37.
[2]« Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? », infra, p. 18-19.
[3]« Pourquoi pas des philosophes ? », infra, p. 60.
[4] François Cusset, French Theory. Foucault, Derrida, Deleuze & Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux États-Unis, La Découverte, 2003.
[5]« Une différence sans distinction », infra, p. 170.
[6] Relèvent également de cette même veine Le Philosophe chez les autophages (Minuit, 1984), Rationalité et cynisme (Minuit, 1984), Prodiges et vertiges de l’analogie (Raisons d’agir, 1999), Schmock ou le Triomphe du journalisme (Le Seuil, 2001) et deux articles (« La vengeance de Spengler » et « Pourquoi suis-je si peu français ? ») repris dans Essais II (Agone, 2001). Mais elle est également très présente dans d’autres livres de Bouveresse, comme La Demande philosophique (L’Éclat, 1996) et Bourdieu, savant et politique (Agone, 2004), ainsi que dans les deux ouvrages qu’il a consacrés à Musil : L’Homme probable (L’Éclat, 1993) et La Voix de l’âme et les chemins de l’esprit (Le Seuil, 2001). Bouveresse décrit ses relations avec le milieu philosophique français dans Le Philosophe et le réel (Hachette, 1997).
[7]Jacques Bouveresse, La Demande philosophique, op. cit., p. 57.
[8] « Sur quelques conséquences indésirables… », infra, p. 216.
[9] « Heidegger, la politique et l’intelligentsia française », infra, p. 147.
[10] « Sur quelques conséquences indésirables… », infra, p. 234.
[11] Pour cette caractérisation de l’éclectisme, lire Gérard Lebrun, « “Devenir de la philosophie” », in Denis Kambouchner (dir.), Notions philosophiques, Gallimard, 1995, tome III, p. 590-592.
[12] . Pascal Engel et Kevin Mulligan, « Normes éthiques et normes cognitives », Cités, n° 15, 2003, p. 180.
[13] « Pourquoi pas des philosophes ? », infra, p. 59.
[14] « Heidegger, la politique et l’intelligentsia… », infra, p. 138-139.
[15]« Une différence sans distinction », infra, p. 197.
[16] « Pourquoi pas des philosophes ? », infra, p. 43.
[17] « Pourquoi pas des philosophes ? », infra, p. 48.
[18]Lire Serge Cosperec et Jean-Jacques Rosat (dir.), La Connaissance et la pensée, Bréal, 2003.
[19] Luc Ferry et Alain Renaut, La Pensée 68. Essais sur l’anti-humanisme contemporain, Folio, (1985) 1988.
[20] Ibid., p. 17 et 26.
[21] François Cusset, French Theory, op. cit., p. 323
[22]Ibid., p. 325.
[23] Ibid., p. 328
[24] Ibid. p. 23.
[25] « Pourquoi pas des philosophes ? », infra, p. 42.
[26]Ibid., p. 43-44.
[27] Bernard-Henri Lévy, Le Testament de Dieu, Grasset, 1979.
[28]Louis Pinto, Les Philosophes entre le lycée et l’avant-garde, L’Harmattan, 1987, p. 154.
[29]Lire « La vengeance de Spengler », in Jacques Bouveresse, Essais II, op. cit., p. 83-114.
[30] « Les philosophes et la technique », infra, p. 101.
[31] « Pourquoi pas des philosophes ? », infra, p. 49.
[32] « La philosophie peut-elle être systématique ? », infra, p. 84.
[33] « Tradition et rupture : Ludwig Wittgenstein et Karl Kraus », in Wittgenstein et la critique du monde moderne, Éditions de la Lettre volée, Bruxelles, 1990, p. 109.
[34] Pascal Engel et Kevin Mulligan, « Normes éthiques et normes cognitives », op. cit., p. 183.
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